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Pourquoi agilité et R.H. ne sont pas antinomiques

J'ai eu la chance de speaker à Flowcon en 2018 et je souhaitais vous partager par écrit le discours autour de ma présentation.

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Nous évoluons dans un monde hyper mouvant et compétitif . Tout va très vite et tout peut s'écrouler ou exploser (dans le sens positif du terme) rapidement.

Pour être compétitif il faut :

- de la réactivité

- de la performance

- de l'engagement

Je ne développerai pas ces trois points ici car ce n'est pas l'objet de mon article mais vous laisse regarder les liens qui me semblent faire partie de ce sujet.

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Le meilleur moyen pour répondre à cette compétitivité c'est l'agilité. Elle permet de s'ajuster sur des cycles courts, de répondre facilement aux changements de besoin client et permet la création de valeur de façon rapide. Les métiers des DSI demandent de se mettre à jour régulièrement, de faire de la veille, de se former. Impossible de rester sur des acquis au vue de la vitesse à laquelle évolue les langages, les techniques...

Avoir des cycles courts permet le droit à l’erreur et donc l’apprentissage. L'erreur est un ingrédient quotidien qui fait la réussite d’une organisation, accompagnée de la détection de l'erreur et le dialogue pour la résoudre. Elle doit être célébrée (cf Google) et vue comme une réussite d’avoir détecté ce qui n’a pas fonctionné et pourquoi. L’erreur ouvre un nouveau champ des possibles et donc une perspective réelle de s’améliorer et d’innover.

Les DSI et équipes produit se sont emparées assez vite d’Agile et de ces différentes méthodes. L'enjeu d'être rapidement rentable et demandant de délivrer rapidement,Agile y répondait.

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Par opposition, les directions des ressources humaines ne connaissent pas ou peu l'agilité. C'est le poids du verbe d'état : un métier au service de l'organisation, des collaborateurs. Certainement l'un des rares services qui propose des formations mais ne se forme quasiment pas, encourage les meetup mais ne s’occupe généralement que de la logistique, propose des chemins de carrière parfois sans connaître les métiers… Et en plus, le juridique donne un cadre restreint, souvent vu comme une épée de Damoclès. Bref, un cordonnier mal chaussé. Pas étonnant, que DSI et RH ne se comprennent pas ou bien peu souvent.

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Il y a une véritable scission opérationnelle entre les deux. C’est un peu comme si on demandait à Derrick de rejoindre l’équipe des Experts sur une enquête policière. D’un côté on a une équipe qui communique, qui est sur le terrain, teste et apprend. De l’autre Derrick, a une idée en tête dès le début. En quelque sorte, il avance son projet d’enquête sans revenir en arrière et surtout sans améliorer sa manière de procéder ou de la remettre en question.

Alors pour une meilleure communication et une cohérence à cette transformation d’entreprise, agilisons les RH (et autres fonctions transverses) qui ont un impact conséquent sur l’évolution interne (et externe !) de l’entreprise.

Ce n’est pas si simple. Il y a maintenant un peu plus de 10 ans, j’ai été managée par 2 patrons de Business Unit (le temps de trouver une DRH pour l’équipe). Quelle ne fut pas leur surprise (et la mienne) lorsqu’ils nous ont parlé de kanban pour le recrutement et invité à faire différemment, à observer les métier que l’on recrutait, à essayer les formations que l’on proposait… et j’en passe. C’est parce qu’il nous ont questionnés et invités que la transformation a pu réussir. Ils nous ont autorisés à faire autrement et comprendre pourquoi, jusque là, nous nous contentions de faire ce qui nous était demandé. Parfois sans challenger.

Ce changement ne s’est pas fait sans difficulté. Des deux côtés nous avons appris et progresser.

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Alors par quelles étapes passer ?

Pour ce faire, la première étape, c’est de prendre conscience de cette scission d’état d’esprit. Une fois cette prise de conscience établie, l’équipe pourra sortir la tête du guidon, lever les yeux et découvrir d’autres horizons, un nouveau champ des possibles. Se former devient possible, collaborer et passer au verbe d’action probablement.

Mais la prise de conscience ne suffit pas. Elle a besoin d’être accompagnée par des sponsors.

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S’autoriser oui, mais recevoir l’autorisation à se transformer est essentielle.

Manager, CODIR, c’est à vous que je m’adresse. Autoriser, verbaliser-le à vos équipes : je t’autorise à te transformer et donc à essayer et à te tromper. C’est par petits pas et ajustements que les habitudes d’hier laisseront place à celles d’aujourd’hui.

Et quelle méthodes choisir ?

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Il existe environ 70 méthodologies agiles différentes et peut-être autant d’outils pour une méthode.

L’agile ne s’applique pas partout de la même façon. C’est avant tout comprendre l’équipe et ses attentes pour proposer ce qui convient le mieux à son contexte et à sa/ses problématiques(s).

C’est pourquoi repartir des bases de l’agilité me semble être le bon chemin pour une équipe en passe de modifier/ajuster ses habitudes.

C’est l’approche Shu Ha Ri (un concept issu des arts martiaux japonais qui décrit les 3 étapes de l'apprentissage) : suivre les règles, comprendre les règles et transcender les règles.

  1. Shu (守:しゅ?, "protéger", "obéïr") — sagesse traditionnelle — apprendre les fondamentaux

  2. Ha (破:は?, "se détacher", "digresser") — casser avec la tradition — trouver les exceptions à la sagesse traditionnelle, trouver de nouvelles approches

  3. Ri (離:り?, "quitter", "se séparer") — transcender — il n'y a pas de technique ou de sagesse traditionnelle, tous les mouvements sont permis.

Alors reprenons la philosophie de l’Agile en utilisant les 4 crédos du manifeste.

Les individus et leurs interactions, plus que les processus et les outils

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Faites des points réguliers avec les collaborateurs. Ces interactions que vous nourrissez ne doivent pas s’arrêter aux entretiens professionnels et/ou entretiens annuels.

Chez beNext nous échangeons tous les 4 mois avec les benexters de manières individuelle. Cela laisse suffisamment de temps pour mettre en place les actions ou décisions prises lors du dernier point ou au contraire d’observer qu’elles ne sont plus prioritaires ou dans l’envie… Bref, on échange, on challenge, on grandit. En tant que R.H je suits plus facilement mon collaborateur dans son évolution et retire de l’information importante pour le fidéliser. De son côté, il a une boussole qui écoute, oriente vers les bonnes personnes et d’un point de vue développement personnel sait le challenger et le faire grandir.

Pour cela, les supports gamifiés nous aident énormément. Dès l’entretien nous utilisons le Moving Motivator et ce dès la création de beNext en 2014. Il s’agit de casser le formalisme qui fait qu’on se réfrène et qu’on ne se montre pas vraiment pour favoriser le dialogue et permettre à chacun de sortir de son carcan : candidat et recruteur, collaborateur et rh, techlead et développeur… Ce jeu nous le ré-utilisons un an après pour échanger sur les cartes qui ont bougées ou non. C’est un bon moyen de faire un mini bilan.

Nous utilisons également des supports de retrospective comme le speedboat, starfish… lors des points des 4 mois. J’aime que le benexters me raconte ce qu’il vit, ses craintes, ses interrogations, ses fiertés… et que l’on en sorte avec des plans d’actions. Autant pour lui que pour beNext ou moi d’ailleurs : capitaliser sur ce qui fonctionne et améliorer ou modifier ce qui fait défaut.

Pour la reconnaissance, nous utilisons la kudobox. Elle permets à n’importe qui de reconnaître le travail, l’attention de quelqu’un. C’est un vrai plus dans un quotidien rythmé et chargé.

Bref, vous l’aurez compris : ce qui nous fait grandir individuellement, collectivement c’est la communication récurrente. Ne vous privez plus de ces points récurrents et de la gamification.

Des solutions/produits opérationnelles, plus qu’une documentation exhaustive

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La transparence des processus permets une autonomisation et une responsabilisation des équipes et des individus.

Pour autant, dans des organisations très hiérarchisée, je remarque la difficulté de trouver des règles et elles sont souvent établies par ceux/celles qui ne sont pas concernés.

Du coup, doublons et failed sont de la partie. Pour éviter cela, rien de mieux que de rendre les règles visibles à travers un ’affichage et de pousser à l’autonomie avec un delegation board.

Késako ? Du management visuel qui détermine qui est responsable/garant de quoi. Ça vous paraît simple ? Que nenni ! Cela génère des discussions (nécessaires) où l’on s’aperçoit souvent que ce n’est pas clair pour l’ensemble de l’équipe. Ce qui me semble limpide dans ma tête ne l’est pas forcément dans la tête de l’autre… voilà voilà.

Et au delà de ça : les processus seront beaucoup plus efficaces s’ils sont faits par les utilisateurs. Lesquels les feront évoluer au fur et à mesure de leur besoin. N’ayez pas peur de déléguer !

Dans un autre registre, j’aime parler de culture d’entreprise en tant que produit du R.H. Pour faire évoluer ce produit, il faut mesurer et se rappeler (questionner) régulièrement sur le sens de celui-ci. Une grille de maturité sur l’identité et la culture d’une société que j’aime utiliser inspirée d’Agile Fluency est H.R Fluency. Vous trouverez un article sur le blog de Pablo Pernot et sur ici.

Testez, mesurez, avancez par petit pas et surtout priorisez vos combats. Posez vous ces questions qui dérangent et qui n’engagent pas toujours les réponses attendues.

En gros, c’est aussi en faisant simple et en étant au clair avec les enjeux et besoins que vous pourrez avoir un maximum d’impact.

La collaboration avec les clients, plus que des négociations contractuelles

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Les clients sont vos collaborateurs ! C’est construire ensemble. Oui, je sais vous avez l’impression de lire du bisounours. Ce que j’essaie de dire c’est que les collaborateurs sont mieux placés que n’importe quel prestataire pour faire grandir l’entreprise et peut être même améliorer votre quotidien.

Je m’explique avec des exemples concrets.

Le recrutement : c’est faire en sorte que l’entreprise grandisse avec des profils qui font sens (en terme de compétence et d’adéquation à la culture). Ceux qui vivent cette culture, les collaborateurs, sont les plus à même d’identifier les nouveaux talents pour la composer.

Appuyez-vous également sur les compétences en interne. Un besoin urgent sur un profil pénurique ? utilisez les méthodes UX pour comprendre le besoin et pouvoir y répondre plus facilement. Persona et Customer journey sont des ateliers qui peuvent ouvrir un nouveau champs des possibles. N’oubliez pas : les collaborateurs sont vos clients et la culture votre produit. Utilisez les méthodes qui ont fait leur preuve et sollicitez vos experts internes. Je suis certaine qu'ils auront de nouvelles idées et vous apporteront énormément en terme de méthodologie.

La clé du succès : éviter l’isolement de la fonction R.H. Pensez produit et collaboratif.

La réponse au changement, plus que le respect d’un plan

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A l’école on m’a appris à gérer les projets dans la durée. Plutôt des gros projets d’ailleurs. On devait tout rendre à une date butoire.

J’ai retrouvé la même gestion dans les R.H : campagne d’entretien annuel, plan de formation, plan de recrutement… Donc en gros, on ne laisse pas la possibilité aux collaborateurs de se rétracter, d’avoir des envies qui se modifient. Pire, on ne laisse pas place aux aléas.

Plus haut, j'introduisais le droit à l’erreur. Autant vous dire qu’il semble impossible à vivre quand on ne peut pas faire de retour arrière ou encore changer de trajectoire quant au plan établi au départ.

Quel dommage… Lorsque j’ai arrêté de faire des campagne d’évaluation annuelle qui entraîne des comportements déviants au profit de voir régulièrement les collaborateurs, j’ai laissé plus de place au bien être, à l’évolution et donc au changement. Quelque part la conséquence de cela c’est aussi la fidélisation.

Je suis humaine et collaboratrice aussi. En toute sincérité je ne me souviens absolument pas des objectifs fixés en 2018 et j’ai certainement modifié ceux-ci à plusieurs reprises. Nous évoluons dans un monde incertain où tout bouge très vite. C’est notre contexte. Essayons de vivre dans le présent et faisons en sorte que le changement ne soit plus vu comme contrainte, que les allers-retours fréquents soient LE moment de s’ajuster et les rétrospectives des moments d’amélioration continue. Idéalement, faire naître un sentiment de champ de possible plutôt que de rétropédalage.

Quand je dis tout ça, je parle de piloter la culture de manière éclairée par les métriques, de questions autour du sens et de priorisation des tâches.

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Vous l’aurez compris, je souhaite sortir du carcan la fonction RH pour l’amener à une vision collaborative où tout le monde vit et fait vivre la culture d’entreprise.

D’ailleurs, les nouvelles génération RH vont de plus en plus vers cela : communauté slack, échange de profil (avec consentement des candidats hein !) et de bonnes pratiques, là où il y a quelques années tout était gardé secret et au chaud dans un seul bureau.

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Sortons, ouvrons nos portes et nos fenêtres. Apprenons à construire ensemble pour une DRH holistique.

La clé du succès : éviter l’isolement de la fonction R.H. Pensez produit et collaboratif.