Salut internaute,
Tu le sais aussi bien que moi : gérer une équipe, c'est pas inné et c'est surtout pas simple.
Et gérer les conflits dans cette équipe ? Encore moins.
Hier soir, je discutais avec une manager qui me racontait qu'elle avait laissé pourrir un conflit entre deux de ses managé pendant 3 semaines. "Je pensais que ça allait se tasser", me dit-elle. Et surtout, elle ne savait pas comment réagir, comment traiter la situation.
Résultat ? Aujourd'hui, l'un des deux est en arrêt maladie et elle n'a pas de visibilité sur son retour. Bien évidemment ça arrive sur un moment critique de livraison. ^^'
Le truc, c'est qu'on n'est pas souvent formés (bien formé ?) et qu'on ne sait pas forcément quoi utiliser. Alors, l'instinct et le bon sens sont souvent de mises. J'ai souvent entendu "crée de la cohésion", mais qui nous explique comment faire ? Que faire quand deux personnes de notre équipe arrêtent de se parler (ou pire, se balancent des pics en réunion : du vécu !).
Alors aujourd'hui, je vais te présenter un outil qui m'a sauvé la mise plus d'une fois : l'échelle de Glasl.
Oui ça sonne comme du fromage autrichien et non, ce n'est pas un truc compliqué inventé par un consultant dans une tour d'ivoire. C'est surtout une grille concrète pour savoir où t'en es dans un conflit et surtout, quoi faire à ton niveau.
Glasl, c'est qui ?
Friedrich Glasl, c'est un chercheur autrichien qui s'est dit dans les années 80 : "
Et si on arrêtait de parler du conflit comme d'un truc binaire (ça va / ça va pas) et qu'on le décrivait comme une escalade progressive ?"
Résultat : il a créé une échelle en 9 niveaux. Oui, je sais, ça fait beaucoup.
Mais rassure-toi, je vais te simplifier la vie. Je vais regrouper ce modèle en 3 grandes phases, et tu vas voir que c'est utile pour détecter les signaux faibles et adapter encore plus finement ton intervention.
Phase 1 : "C'est tendu mais on peut encore discuter" (Niveaux 1-3)
Ce qui se passe vraiment
Les gens ne s'aiment peut-être pas énormément, mais ils cherchent encore à régler le problème de façon rationnelle. Vraiment.
Concrètement, ça donne quoi ?
- Il y a du désaccord (technique, process, priorités, peu importe)
- Ça débat, ça argumente, parfois ça monte un peu
- Les petites remarques commencent à sortir (le soupir appuyé en réunion, le commentaire passif-agressif dans Slack)
- Chacun veut "avoir raison" mais avec des arguments, pas avec des attaques personnelles
Exemple concret : Camille (P.O) veut des daily meetings. Alex (dev. senior) trouve ça lourd et préfère travailler de façon autonome. Ça frotte. Alex zappe les meetings. Camille envoie des emails de relance. Alex les ignore. Ça chauffe gentiment, mais personne ne s'engueule (encore).
Pourquoi c'est LE bon moment pour agir
Parce qu'à ce stade, on peut encore discuter factuellement. Les gens sont frustrés, certes, mais ils n'ont pas encore basculé dans "l'autre est mon ennemi".
Ce que tu fais concrètement
- Créer un espace sécurisé : "On se pose 30 minutes tous les trois. On met cartes sur table."
- Jouer la métacommunication : zéro jugement et prendre de la hauteur pour verbaliser ce que tu observes, des questions ouverttes, de l'écoute active, de la reformulation (oui, la base qu'on oublie tous quand on est sous pression)
- Rappeler l'objectif commun : "Vous êtes là pour livrer ce projet. Comment on fait pour que ça marche pour tout le monde ?"
- Explorer les besoins : Pourquoi Camille a besoin de ces points ? Besoin de contrôle ? D'alignement ? De savoir que tout roule ? Et Alex, de quoi a-til besoin ? d'autonomie ? De concentration ? De se sentir responsable sans micro-management ?
Mon conseil (testé et approuvé) : Sors-les du bureau. Vraiment. Une balade, un café en terrasse. Le cadre formel amplifie les tensions. Et il est difficile d'être agressif quand on est dehors avec un café à la main.
Phase 2 : "Ça part en vrille et ça devient personnel" (Niveaux 4-6)
Ce qui se passe
Ici, on bascule dans l'irrationnel. Les personnes ne cherchent plus à résoudre. Ils veulent gagner. Ou faire perdre l'autre. Ou les deux. Les émotions prennent le contrôle.
Concrètement, ça ressemble à quoi ?
Les coalitions se forment : "Tu es d'accord avec moi que Marc est compliqué, non ?"
Les attaques deviennent personnelles : "De toute façon tu as toujours été comme ça"
L'évitement s'installe : les gens ne veulent plus travailler ensemble
- Les coups en public : remarques dans le chat équipe, plaintes auprès de la hiérarchie
- La communication directe est morte (tout passe par des tiers ou par toi)
- Exemple : Morgan (5 ans d'ancienneté) et Sacha (3 ans d'ancienneté) sont en compétition pour un poste de lead. La direction choisit Sacha. C'est l'incompréhension pour Morgan, qui se sent trahi. Morgan en parle autour : "C'est injuste, je me suis donné à fond pendant 5 ans". Trois personnes de l'équipe prennent son parti et commencent à faire des remarques à Sacha : "Profite bien de TON poste". Sacha se renferme. L'ambiance devient toxique. Morgan cherche activement ailleurs.
Pourquoi c'est difficile
Parce qu'on n'est plus dans le rationnel. Les émotions ont pris le pouvoir. La blessure est installée. Et tu ne peux pas régler ça avec un "Allez, serrez-vous la main et on n'en parle plus". Non.
Ce que tu fais concrètement
Attention, tu ne peux plus juste "faciliter". Il faut recadrer et donner du sens.
- Séparer les protagonistes : "Temporairement, vous ne travaillez plus ensemble. Point."
- Stopper les comportements toxiques : "Les remarques publiques, c'est terminé. Si il y a un problème, vous venez me voir en privé. Fin de la discussion."
- Protéger l'équipe : les autres ne doivent pas devenir les dégâts collatéraux de ce conflit
- Faire appel à l'extérieur : DRH, pair, coach externe... bref quelqu'un de neutre qui va aider à désamorcer
- Assumer ton autorité : et oui, parfois il faut trancher. Ce n'est pas confortable. C'est difficile. Mais c'est ton rôle.
Mon expérience personnelle : J'ai vu des managers attendre trop longtemps à ce stade. Par peur d'être "trop autoritaire" ou de "mal faire". Résultat ? Toute l'équipe en pâtit. Alors un conseil : agis maintenant.
Phase 3 : "C'est la guerre et tout le monde perd" (Niveaux 7-9)
Ce qui se passe
On est dans la destruction mutuelle. Les gens veulent saboter l'autre, même si ça les détruit aussi.
Concrètement :
Sabotage actif (rétention d'informations, blocage volontaire de projets...)
- Volonté de nuire, même si ça nuit à toute l'organisation
- Communication = zéro. Plus aucun dialogue possible.
- Guerre ouverte, parfois devant les clients ou partenaires (oui, j'ai vu ça)
- Départ brutal, démission sur un coup de tête, arrêt maladie longue durée
- Et parfois, procédures légales (harcèlement, conflit aux prud'hommes...)
- Exemple : Incident de production majeur dans une entreprise fintech. 2M€ de transactions impactées. L'équipe Infrastructure accuse le Product d'avoir déployé sans tests. Le Product accuse l'Infrastructure de ne pas avoir surveillé. Les accusations fusent en public. Devant le Comex. Les gens refusent de collaborer pour analyser l'incident. Certains menacent de partir si "l'autre" reste.
Pourquoi c'est grave :
Parce qu'à ce stade, on ne sauve plus la relation. C'est terminé. L'objectif devient : limiter les dégâts et protéger l'organisation.
Ce que tu fais concrètement
Tu sors de ton périmètre de manager classique. Là, tu as besoin de :
- La DRH (vraiment appelle là)
- La direction
- Potentiellement un avocat si ça continue à déraper
- Tu documentes tout : chaque comportement problématique, chaque échange toxique. Tout.
- Tu prends des décisions tranchées : réorganisation, mutation, rupture conventionnelle dans certains cas
- Tu protèges l'équipe et l'organisation en priorité : ces deux personnes ne peuvent plus travailler ensemble. Point final.
Mon avis : Si tu en arrives là, c'est qu'il y a eu des signaux ignorés bien avant. Et je ne dis pas ça pour te culpabiliser. Je le dis pour que tu retiennes : la prochaine fois, tu interviens au niveau 2, pas au niveau 7.
Alors, Glasl, ça sert à quoi dans ta vie de manager ?
Attention à trois choses essentielles :
1. Diagnostiquer rapidement
Plutôt que de te demander "c'est grave ou pas ?", tu te demandes : "On est à quel niveau ?". Et tu adaptes ton action.
Rappel : Un conflit niveau 2 ne se gère PAS comme un conflit niveau 6.
2. Intervenir au bon moment
Plus tu interviens tôt, plus c'est gérable. Un conflit phase 1, tu le résous autour d'un café.
Un conflit phase 3, ça peut détruire toute une équipe.
La vraie question à te poser chaque semaine (voire chaque jour si tu as une grosse équipe) : "Il y a des tensions en ce moment ? On en est où sur l'échelle ?"
3. Accepter tes limites (et c'est OK)
Glasl te montre aussi quand ça dépasse de ton rôle de manager. Et ce n'est pas un échec de dire : "Là
, j'ai besoin d'aide". C'est de l'intelligence et du bon sens.
En synthèse :

Glasl, ce n'est pas une baguette magique. C'est une boussole. Ça te permet de te situer et d'ajuster ton action. Ça t'évite de rester là à te dire "Je ne sais pas quoi faire" ou pire, "Ça va passer tout seul, j'espère".
Spoiler alert : ça ne passe jamais tout seul.
Alors la prochaine fois que tu sens une tension (et tu la sens, tu n'es pas aveugle), prends deux minutes. Pose-toi. Respire. Et demande-toi : "On en est où sur l'échelle ? Qu'est-ce que je peux faire MAINTENANT pour éviter que ça dégénère ?"
Et si tu te rends compte que tu es déjà au niveau 5, respire (encore), appelle les RH, et dis-toi que ce n'est pas trop tard. Mais fais-le maintenant et pas demain.
Ton équipe te remerciera. Ton niveau de stress aussi.
Si tu veux affiner ton diagnostic, voici les 9 niveaux en grille de lecture rapide.
C'est particulièrement utile pour détecter l'escalade et communiquer précisément avec ta hiérarchie ou les RH.

Comment utiliser cette grille ?
1. Diagnostic hebdomadaire
Pose-toi la question chaque semaine : "Où en sont les tensions dans mon équipe ?" Si tu passes du niveau 2 au niveau 4 en quelques jours, tu dois agir immédiatement.
2. Communication précise
Dire à ta DRH "On est au niveau 5 de Glasl" est infiniment plus clair que "ça va mal". Ça montre que tu maîtrises la situation et que tu sais ce dont tu as besoin.
3. Anticipation de l'escalade
Les niveaux 3, 6 et 7 sont des points de bascule critiques. Si tu ne réagis pas à ces moments-là, le conflit devient beaucoup plus difficile à gérer.
4. Adaptation de ton niveau d'intervention
- Niveaux 1-3 : Tu gères en direct (médiation, facilitation)
- Niveaux 4-6 : Tu as besoin d'aide (RH, coach externe, médiation professionnelle)
- Niveaux 7-9 : C'est une crise organisationnelle (Direction + DRH + potentiellement juridique)
Et toi, internaute, t'as déjà vécu un conflit qui a dégénéré dans ton équipe ? À quel niveau tu penses qu'il était ?
N'hésite pas à m'écrire, j'adore échanger sur ces sujets.
PS : Si cet article t'a aidé, partage-le à un manager qui galère avec un conflit en ce moment. Ça peut lui sauver la mise (et son équipe).